La mode, il y arrive par hasard. Une rencontre, voilà dix-sept ans, avec Patrick Kelly, l'Américain à Paris, le créateur aux gros boutons multicolores, et la véritable histoire commence alors. De défilés en événements spéciaux (comme récemment les 25 ans d'Armani au Royal Albert Hall de Londres), Thierry Dreyfus n'a jamais envisagé son travail autrement qu'en le conceptualisant. Une base abstraite qu'il s'amuse à transformer en matière, comme dans un jeu de construction : «La lumière est une sensation, explique-t-il. Et pourtant, je l'utilise comme une donnée concrète qui me permet de délimiter des espaces dans l'espace, créer des décors, donner naissance à une atmosphère... La lumière devient alors la base sur laquelle repose toute la scénographie.»
Pour pénétrer la carapace poétique d'Ann Demeulemeester, il mêle les nuances froides et chaudes d'un blanc qui ne l'est jamais vraiment. Pour Martine Sitbon, il fait se correspondre les nuances de lavande, d'ambre et de rose qui réchauffent les visages et accentuent les contre-jours. Pour Helmut Lang, il développe le concept abstrait de non-lumière : « Helmut Lang a un univers très précis, une sorte de naturel contrôlé, dit Thierry Dreyfus. Pour lui, mon travail consiste à maîtriser l'ombre et la lumière pour donner une illusion de naturel, le mirage d'une rue en plein jour.» Sa lumière a ceci de particulier qu'il la traite avec autant de précision que s'il s'agissait d'une photo, en privilégiant toujours l'émotion. Imperceptiblement, il amène le publie dans un univers différent, que ce soit lors d'un défilé ou sur ses installations, comme ce ciel de jour projeté dans la nuit de Lyon pour la Biennale d'Art contemporain. Cette tentation de l'ail, il la vit comme un penchant naturel, encore un peu secret. Alors, pour lui, sur l'écran de son iMac, il continue ses projections de voyages lumineux, toujours ponctués d'escales poétiques.
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